Le Sri Lanka dans l’attente du pape François

Article : Le Sri Lanka dans l’attente du pape François
Crédit:
26 novembre 2014

Le Sri Lanka dans l’attente du pape François

C’est sur  fond de polémique que l’on attend le pape François sur l’île du Sri Lanka. Prévue sur 3 jours, du 13 au 15 janvier 2015, la visite a été remise en question, l’Eglise catholique craignant qu’elle n’influence les résultats de l’élection présidentielle du  8 janvier 2015.

En pleine campagne présidentielle, les autorités religieuses sont intervenues à plusieurs reprises pour mettre en garde contre toute récupération politique. Dimanche dernier, Rev. Cyril Gamini Fernando, vicaire épiscopal, a fermement demandé que soient enlevés les posters électoraux montrant le pape François avec un candidat (non cité mais qui s’avère être le président de la République, S.E Mahinda Rajapaksa).

Viendra, viendra pas? Dans notre paroisse de Saint Thomas à Kotte, capitale administrative du pays, la question animait vivement  les discussions sur le parvis de l’église le dimanche après la messe. Ouf, oui, la visite aura bien lieu, cela a enfin été confirmé. Il faut dire qu’il aurait été vraiment très décevant voire inenvisageable d’annuler cette visite. Car cela fait plus de six mois qu’on s’y prépare officiellement, dans les hautes sphères de l’Eglise tout comme au niveau paroissial. Le sujet alimente prières et homélies. Et cela fait des années, peut-être bien depuis la visite de Jean-Paul II en 1995, que l’on prolonge les messes dominicales par des prières pour la canonisation de Joseph Vaz (1651-1711), ce missionnaire indien venu de Goa au 17e siècle afin de protéger les catholiques sri lankais et raviver la foi à une période de grande persécution. Face à tant d’effervescence, qui aurait pu priver les quelque 1, 2 million de catholiques recensés dans le pays de cette visite?!

Logo pape Sri Lanka
Logo officiel de la visite du pape François au Sri Lanka

Préparations sur tous les fronts! Oui, on n’en finit pas de s’extasier devant tant de ferveur et de vivacité. La foi est jeune et elle vibre. Une prière spéciale a été diffusée. Un site internet dédié est accessible dans les trois langues officielles (cinghalais, tamoul et anglais). On peut y lire les dernières dépêches. Et sur la Home, le décompte à la minute près, du temps qui reste pour cette visite. 48 jours, 17 heures, 45 minutes. L’excitation est palpable!

Selon les premières communications concernant le contexte de la visite, qui coïncide exactement avec le dixième anniversaire du tsunami*, le souverain pontife devait initialement faire une visite spéciale dans les régions affectées par le désastre naturel en 2004, spécialement sur la côte Est du pays. Après le Sri Lanka, le pape François est d’ailleurs attendu aux Philippines, archipel qui a aussi été très secoué par le tsunami.

Le thème de la visite a cependant été affiné. On attend finalement plus le pape sur le terrain de la réconciliation nationale, qui s’annonce certainement comme un des chantiers essentiels pour l’avancée sociale du pays. Alors que la reconstruction et les grands projets de développement des infrastructures vont bon train, la réconciliation d’après-conflit reste le roc sur lequel la « Maison » devra être bâtie. Le conflit ethnique, qui a duré près de 30 ans (et s’est achevé en 2009), opposant le gouvernement aux Tigres tamouls du LTTE, a laissé le pays douloureusement meurtri. Les catholiques, à la fois présents au sein de l’ethnie majoritaire cinghalaise mais aussi parmi la minorité tamoule, ont un rôle à jouer dans cette réconciliation nationale. Ce sera probablement un des accents majeurs des discours pontificaux. On attend un message fort.

L’itinéraire de la visite a été confirmé, sur les terres de l’Ouest, zone côtière et bastion des chrétiens catholiques sri lankais. La capitale Colombo sera évidemment la première escale, où auront lieu les réunions officielles avec le président de la République, puis les dialogues interreligieux. La canonisation du Père Joseph Vaz, premier saint du Sri Lanka, sera prononcée et célébrée le 14 janvier au matin, durant l’Eucharistie sur le « Galle Face Green », le grand terrain qui longe la mer au coeur de Colombo. On recrute d’ailleurs des « porteurs de parapluie » en vue de l’événement!

L'église de Madhu
L’église de Madhu (région de Wanni, Sri Lanka), où affluent les pèlerins – Crédit Photo : Buddhima W. Wickramasinghe via Flicker

Puis le pape se rendra à Madhu, au nord-ouest de l’île, symbole de la résilience de la foi catholique dans le pays depuis 400 ans et haut-lieu de pèlerinage qui rassemble des milliers de catholiques chaque mois d’août. L’église de Madhu est aussi un symbole d’unité, dans cette région du Wanni, qui s’est longtemps trouvée au coeur du conflit ethnique. Non seulement entre les catholiques cinghalais et tamouls, mais aussi un symbole d’unité entre les différentes religions.

Répartition géographique des principales religions au Sri Lanka
Répartition géographique des principales religions au Sri Lanka (recensement national officiel 2012)

Le message du pape François pourra en effet également porter sur la paix interreligieuse. Sur ses 20 millions d’habitants, le Sri Lanka compte 70 % de bouddhistes. Les tensions entre extrémistes bouddhistes et musulmans ont provoqué plusieurs morts et des dizaines de blessés lors d’émeutes en juin dernier. La venue du pape, sur invitation du président Mahinda Rajapaksa, apparaîtra alors comme une main tendue, un message de tolérance envers toutes les minorités, chrétiennes, hindoues, musulmanes. Ce qui pourrait s’avérer utile au président Rajapaksa, alors qu’il brigue son troisième mandat.

Emmanuelle Gunaratne

* : On estime à environ 35 milliers le nombre de victimes décédées au Sri Lanka lors du tsunami le 26 décembre 2004.

Le pape François durant les Journées Mondiales de la Jeunesse au Brésil (Vargihna)
Le pape François durant les Journées mondiales de la jeunesse au Brésil (Vargihna) – Crédit Photo : Tânia Rêgo / ABr – Agência Brazil

 

 

 

Partagez

Commentaires