Teruni Wikramanayake, artiste peintre et exploratrice d’imaginaires

Article : Teruni Wikramanayake, artiste peintre et exploratrice d’imaginaires
Crédit:
1 décembre 2014

Teruni Wikramanayake, artiste peintre et exploratrice d’imaginaires

Soirée pluvieuse à Colombo. Un vendredi en octobre. Grisaille dans les rues. Presqu’au coin du boulevard Guilford Crescent, le Lionel Wendt Art Gallery a ouvert ses portes. A l’intérieur de cette galerie d’art renommée de Colombo, se dégage un déchainement de lumière, de vie et de mouvement, qui contraste avec la monotonie ambiante. C’est « Wild and Wonderful », une exposition de tableaux aux couleurs vibrantes et au rythme audacieux. Pour le vernissage de sa seconde exposition, Teruni Wikramanayake, artiste peintre abstrait, nous dévoile en avant-première son monde de couleurs et de totale liberté.

Il y a quelques années, après avoir travaillé l’art réaliste depuis son enfance, Teruni choisissait délibérément la voie de l’art abstrait, qu’elle jugeait plus ardue et plus stimulante aussi. Comme point de départ, rien ou plutôt, soi, ses propres sentiments, ses propres émotions. Mais de la réalité que voit l’oeil, rien. Partir de soi pour créer son oeuvre d’art. Un défi que Teruni relève avec talent : le résultat est vibrant et rayonnant et invite chacun à s’arrêter devant ces peintures, pour faire voyager son imaginaire et y découvrir sa réalité. Quelques semaines après le succès de son exposition, nous revenons avec Teruni sur ses choix artistiques et sur les coulisses de la création d’oeuvres.

« Trek’Ceylan : Vous considérez-vous comme une autodidacte?

Teruni Wickramanayake : Non. J’ai été guidée par trois différents professeurs.  Mme Latifa Ismail, Melle Dora Tomulic, et actuellement par Pr. Sarath Chandrajeewa, doyen de la Faculté des Arts Visuels de l’Université des Beaux-Arts à Colombo. On me dit parfois que, en tant qu’artiste, je ne devrais pas avoir besoin de suivre des cours. Mais, j’aime ces rencontres de styles différents, ces échanges avec les autres étudiants, qui me stimulent. J’apprécie les critiques de mon professeur. Même si il me « corrige » moins maintenant, il me donne toujours son avis, qui reste extrêmement précieux pour m’aider à évoluer, à développer mon propre jugement et à gagner en confiance. Au niveau de l’expression artistique, je suis complètement libre cependant. Durant les cours, nous n’avons pas de technique imposée. Je peins selon mon désir et mon professeur intervient pour améliorer la production.

Quand avez-vous commencé à vous consacrer à la peinture pour en faire une activité majeure dans votre vie?

T.W. : Je peins depuis mon plus jeune âge, mais je m’y suis attelée plus intensément après avoir vendu certaines de mes oeuvres en 2012 lors d’une co-exposition intitulée « Dream Catchers ». Je suivais alors des cours avec une autre élève qui vivait son art de façon très intensive. Elle y travaillait dur et fournissait beaucoup d’efforts pour avancer dans sa voie. C’est elle qui m’a incitée à exposer et nous avons organisé ensemble notre première exposition. Sa ténacité m’a beaucoup inspirée. Par ailleurs, le fait de rencontrer le public, de m’exposer à la critique, de voir mon oeuvre soudain valorisée par d’autres personnes m’a investi d’une certaine « responsabilité ». Je ne voulais pas décevoir. Cette année-là (2012) a été de ce point de vue une année charnière et dès lors, j’ai cessé de peindre en dilettante et je me suis mise à étudier et à travailler la peinture abstraite de façon beaucoup plus poussée.

Misty Morning - Peinture abstraite de Teruni Wickramanayake
Misty Morning, 2013 (120×60 cm) – Teruni Wikramanayake
Comment est-ce que vous définiriez votre style?

T.W. : Je suis une peintre abstrait et une coloriste. Mon professeur dit de moi que je suis une « colorista » et j’aime ce mot. Généralement, quand je commence une toile, je n’ai pas de projet ou d’idée préconçue. Je joue avec les couleurs très librement et crée mon oeuvre spontanément. Chaque pièce est unique et ne peut pas être dupliquée!

Vous identifiez-vous à un mouvement d’art?

T.W. : Non!

Pour quelles raisons peignez-vous?  Avez-vous un message à transmettre à travers votre oeuvre? Avez-vous certaines humeurs qui vous incitent à peindre?

T.W. : Tout d’abord, je peins parce que j’aime peindre et quand je termine une oeuvre que j’apprécie, je ressens une grande satisfaction et j’ai alors vraiment le sentiment d’avoir accompli quelque chose. Bien que je n’aie pas de message exprimé à travers mon oeuvre, il m’arrive de la « creuser » et d’y découvrir des choses. Chercher quelque chose à éclaircir, explorer l’imaginaire, cela m’amuse et donne à l’oeuvre une dimension mystérieuse.  J’en éprouve beaucoup de plaisir et ça m’aide à donner un titre à mon travail, de façon à ce que les spectateurs puissent – je l’espère – « communiquer » avec l’oeuvre. Je peins plus facilement si je suis dans un état d’esprit favorable à la création artistique, mais en même temps c’est aussi une discipline.  J’essaie de tenir un rythme d’une peinture par semaine, peu importe l’humeur dans laquelle je me trouve! J’aime être seule chez moi, avec une musique  de fond, quand je peins.  J’aime écouter Enya, Yanni et Katherine Jenkins.  Leur musique m’inspire et m’aide à entrer dans l’humeur propice à mon activité créative!!

Quelles sont les matières que vous utilisez pour peindre? Mis à part le pinceau, à quels outils avez recours?

T.W. : Pour le moment, j’utilise principalement les couleurs acryliques.  Dans mon mixed média, j’utilise aussi la gouache, les pastels, des morceaux de dentelles de couleur, des bouts de ficelle, pour ajouter de la profondeur et jouer avec les textures. Mis à part les pinceaux, je peins avec mes mains, des éponges, toute un palette de différents types de couteaux, et même des cartes de crédits expirées!

Mother Embrace
Mother’s Embrace, 2014 (70×50 cm) – Teruni Wikramanayake
Quelle est l’importance que vous accordez aux expositions et aux rencontres avec le public? Etes-vous surprise par les réactions que vous entendez?
Exposition Wild and Wonderful
Durant l’exposition « Wild and Wonderful » – 10 octobre 2014 – Lionel Wendt Art Gallery

T.W. : Jamais je n’ai été préoccupée par l’idée d’exposer mes peintures jusqu’à ce que j’y sois fortement incitée en 2012. Cette exposition m’a alors prise par surprise!  Elle m’a ouvert sur des perspectives totalement nouvelles.  Bien qu’extrêmement éprouvantes nerveusement, et parfois angoissantes, ces rencontres sont très riches et essentielles pour recevoir les réactions du public.  Même si je suis très heureuse de l’exposition de cette année, je me rends compte que l’art abstrait n’est pas toujours bien compris. Les gens aiment, ou n’aiment pas du tout ou bien simplement n’accrochent pas, restent indifférents!! L’interprétation de l’art abstrait est pourtant un exercice qui aide à développer l’imagination et la créativité… Mais la plupart des visiteurs préfèrent contempler des paysages, des portraits ou des choses concrètes avec lesquelles ils peuvent s’identifier plus facilement. Je pense que cela va évoluer.

Ce qui vous inspire le plus?

T.W. : Les couleurs qui m’environnent produisent beaucoup d’effet sur moi et sont source d’inspiration. Je suis extrêmement sensible à la couleur.  Quand je voyage à l’étranger, je visite des musées autant que possible. Je regarde des livres et fais des recherches sur internet.

Votre vie au Sri Lanka influence-t-elle votre oeuvre? De quelle manière? Certaines de vos peintures sont-elles plus sri lankaises que les autres?

T.W. : Mes peintures n’ont rien à voir avec mon pays, et n’ont pas d’identité sri lankaise à l’exception de l’une d’entre elles intitulée « Lanternes de Vesak ».

 Des artistes que vous admirez particulièrement?

T.W. : J’aime Jackson Pollock, Kandinsky, Picasso, Matisse, Monet, Rothko…!

Comment définissez-vous le rôle de l’artiste dans la société?

T.W. : Pour ma part, je pense que je dois partager mon art avec les autres, qu’il soit un vecteur de lien social… Je peux tout simplement inspirer certains à se lancer dans un hobby. Mais j’espère surtout qu’un jour, mon activité artistique puisse se mettre au service des autres. Quand ma fille sera plus grande et plus indépendante, j’aurai plus de temps pour mener à bien certains de mes projets : vendre des peintures pour financer un projet social, aider des personnes âgées à peindre comme une forme de thérapie, ou bien encore aider les enfants défavorisés, trouver les fonds pour leur fournir le matériel qui coûte assez cher. Ce sont des projets qui me tiennent à coeur…  »

Et nous, visiteurs, laissons flâner notre imaginaire sur ces tableaux… L’oeil ne s’ennuie pas, éveillé, émerveillé, il interroge, trouve parfois des réponses, à mesure que les émotions remontent à la surface. Nous vous invitons à retrouver Teruni Wikramanayake sur sa galerie virtuelle, www.teruniart.com.

Emmanuelle Gunaratne

Teruni Wikramanayake, peintre abstrait
Teruni Wikramanayake, artiste peintre sri lankaise – Crédit Photo : Nilmini De Silva
Partagez

Commentaires

Serge
Répondre

On dirait du Pollock quand même... qu'elle cite à la fin d'ailleurs :)