Emmanuelle Gunaratne

Enfant moine

Rita se lève toujours du bon pied. Elle rejoint son travail vers 7 h le matin, à pied et en bus, traversant la longue vallée de Mirihawatte. Vêtue d’une jupe de coton fleurie et d’un chemisier léger. Elle emporte son déjeuner qu’elle cuisine avant de partir. Dans son baluchon.

Bon pied bon oeil : elle offre toujours une mine réjouie, un sourire immense, franc, jusqu’aux oreilles. Elle adore son travail : elle entretient un jardin – dans une association. Elle aime la compagnie de ses collègues et l’environnement fleuri, sain, vert, des montagnes environnantes. Les senteurs multiples et les couleurs rafraichissantes du jardin.

Rita est jeune. Autour de 35 ans, probablement. Elle est grande, élancée, engage facilement la conversation et rit souvent.

Nous nous sommes rencontrées en désherbant un parterre. En retirant quelques herbes étrangères parmi les pieds de menthes, basilic, roquettes et autres feuilles de salade. Elle parlait de sa vie. Des difficultés quand elle a perdu son mari, son père, la même semaine. Un accident, une maladie. Pas de ton plaintif. Toujours la même voix forte, factuelle. Pas de sourire non plus – là, juste – il s’efface. C’était il y a deux ans.

Young male monks (7-9) walking up steps outdoors, rear view
Jeunes moines lankais

Elle parle de son fils. Il avait 10 ans à l’époque. Maintenant, il est moine. Il vit dans un monastère près de Colombo. Elle part le voir ce vendredi qui vient et revient dimanche, en soirée, bien sûr elle a son travail lundi. Elle tente de me montrer une photo sur son petit téléphone portable. Mais on n’y voit rien, sous le reflet de ce soleil radieux. Une fois par mois, elle lui rend visite. Un large sourire éclaire son visage.

Rita dit qu’il a décidé. On ne sait pas trop, lui, elle. En tous les cas, il voulait aussi rejoindre le Sangha, selon elle. Et elle est contente qu’il ait pris cette décision. Qu’ils aient pris cette décision.

Toujours accroupies parmi nos parterres de feuilles, nous continuons à discuter. Du moins, j’écoute et j’essaie de penser. Rejoindre un ordre est une décision lourde déjà pour un adulte. Alors, pour un enfant? Pourtant, pas de tristesse dans le timbre assuré de Rita.

Don, sacrifice? Pour les âmes des disparus? Résignation? Quelle logique a bien pu diriger Rita et son fils vers cette décision.

Ou bien, la nécessité? Si c’était la pauvreté qui l’avait poussée, subrepticement, vers cette décision? L’appât d’une assiette remplie pour lui, d’une éducation offerte? De la tranquillité de le savoir dans un lieu sûr, sécurisé, bienveillant? (Et là on fait abstraction de certaines allégations d’abus envers ces jeunes, qui pèsent sur ces lieux). D’un avenir assuré?

La réalité est sans doute quelque part entre toutes ces raisons ou bien ailleurs, un peu plus loin. Insaisissable. Dans ce sourire franc éternel, dans cette voix forte, dans cette attente tournée vers vendredi et la visite du week-end à venir.


Des arômes de café bien particuliers

Le café de l’enfance, avait l’arôme de la sécurité, des petits-déjeuners, des tartines grillées, des parents, de la cellule familiale qui prenait le temps, au matin, de partager un moment. Qui prenait le temps de la tranquillité.

A l’adolescence, le café a conservé son arôme de tranquillité. Il a aussi revêtu celui de la liberté. La petite tasse de café, expresso, on la dégustait au “Bureau”, le bar-café qui nous accueillait les jeudis après-midi, pendant l’heure d’étude. On s’y retrouvait à quatre copines, Claire-Marie et les autres, et on prenait la consommation la moins chère, 4 francs la tasse.

Le café de la vingtaine est devenu plus artificiel. C’était celui des machines à café. Dans un gobelet en plastique beige. Je le prenais lacté et chocolaté. Au boulot à Evry. Il avait un peu moins l’arôme de la tranquillité, il avait toujours l’arôme de la liberté, celui d’échapper quelques minutes à l’ambiance sérieuse du bureau et de retrouver l’insouciance des potins et des rires autour d’une machine.

Les meilleures graines seront sélectionnées manuellement, chez Hansa (Sri Lanka)
Les meilleures graines seront sélectionnées manuellement, chez Hansa (Sri Lanka)

Au Sri Lanka, quand je suis arrivée, pas de machine à café au bureau. C’était la tasse de thé, qu’on venait nous apporter – Nihal ou Azar – sur un plateau, servi à heures précises, 10 h et 15 h 30, cérémonialement. Ces années-là, le café, c’était le luxe. Le luxe retrouvé lors de mes voyages en France. Dans un grand mug. Un café partagé avec ma soeur, après le déjeuner. Un café spécial, aromatisé, d’Ethiopie, paquet sélectionné dans une boutique de café à Angers. Dans le café de la trentaine, j’ai découvert de nouveaux arômes. Moins d’insouciance, toujours autant de plaisir, de tranquillité et de liberté et aussi l’arôme des confidences. Délicieuses, avec un carré de chocolat.

Savez-vous planter les caféiers? On les plante avec le doigt.
Savez-vous planter les caféiers? On les plante avec le doigt (à la mode, à la mode…)

Le café de la quarantaine est devenu une affaire très sérieuse. L’expresso, les gobelets en plastique, j’aime plus. Les cafés des plantations, je peux plus. Les lectures, les voyages sont venus entre-temps, bouleverser ma conscience. J’ai découvert l’arôme particulier des graines de café sri lankais. J’en connais les arbres, qui poussent dans les jardins ombragés près des forêts, près d’un arpent de thé, au milieu d’un jardin potager. Ce sont des caféiers de la biodiversité. Ici, pas du capitalisme. Ici, pas de prolétariat. Cet arabica a l’arôme de la liberté. La mienne et celle des producteurs.

Curieuse de découvrir encore de nouveaux arômes. Curieuse, intriguée… Il paraît qu’il y en a plus de 700 dans le café. Parole de connaisseurs.

Emmanuelle Gunaratne


Une barrière de gliricidia chez Nandana

Nous étions chez Pradeepa le mois dernier, nous voici maintenant chez Nandana. Toujours sur le même projet, à long terme, d’apporter un soutien aux familles pour l’établissement de jardins biologiques, sur la commune de Mirihawatte au Sri Lanka. Avec l’espoir affiché qu’un jour, cette montagne, qui sert de source pour le grand fleuve de Mahaweli sera replantée d’une forêt riche en biodiversité, assurant ainsi le protection d’espèces rares, un sol riche, un air et une eau purs. Et que les habitants y puiseront aussi leur revenu, en partie grâce à leurs jardins, qui seront le complément de cette forêt. Aujourd’hui, nous nous penchons sur la technique des barrières végétales de gliricidia, très présentes autour des “home gardens” sri lankais.

Nandana et Shirani ont deux enfants. Août, ce sont les vacances. Il y a donc toujours des petits amis, des voisins ou des cousins qui traînent aussi dans le jardin. Le terrain est vaste, la terre devenue ingrate sur ce sol en pente et difficile d’accès. Nandana est cultivateur : thé, kithul, choux, tomates et autres légumes et fruits. Il utilise des engrais et fertilisants chimiques. Ce n’est donc pas l’intégralité que l’on

Préparation des trous...
Préparation des trous…

convertit au bio. Une petite partie seulement de ces 3 acres (1,2 ha) . Une opportunité pour démontrer qu’il y a un marché pour les produits bio, que la terre sera enrichie naturellement, que ce système où les producteurs fixent leurs prix sera avantageux pour la famille de Nandana. Bref qu’il n’y aura pas de baisse de revenu. Et qui sait, peut-être qu’un jour, Nandana évoquera le besoin de convertir toute son exploitation en bio! Et puis, il y a les enfants qui courent ici et là pendant que l’on travaille et qui apprennent aussi, en regardant et en participant à l’excitation du groupe.

Ceci pour replacer dans le contexte le thème de cette fiche : le comment et le pourquoi d’une barrière végétale de gliricidia.

Equipe au travail, pour planter une trentaine de pieux.
Equipe au travail, pour planter une trentaine de pieux.

Au deuxième jour de notre mission, après la fabrication d’un tas de compost dans les règles de l’art, nous commençons donc, armés de bêches, de piques, de coques de noix de coco, à gratter, percer, trouer la terre sèche du jardin, en intervalles réguliers de 1 mètre environ. Au total une trentaine de trous, profonds d’environ 30-40 cm. Le soleil tape dur déjà en milieu de matinée. Une autre partie du groupe, à la machette, choisit et taille les branches d’arbres de gliricidia. Il en résulte une trentaine de pieux, droits et défeuillés, bien vivants sous leur air sobre de bâton de pèlerin.

 

On taille les branches solides des gliricidia du jardin
On taille les branches solides des gliricidia du jardin

Qu’est-ce donc que le gliricidia? 

Bien connu de toute la zone tropicale, le gliricidia sepium (nom scientifique) – de la famille botanique des fabacées (légumineuses) – compte une multitude de noms communs, ce qui révèle l’importance de cette espèce auprès des populations rurales. C’est en effet un arbre qui présente de multiples fonctions. De taille moyenne, il pousse rapidement (environ 3 mètres sur la première année), et sert facilement de haie – comme chez Nandana. Les branchages, une fois taillés, sont appliqués sur les champs, comme fertilisant naturel. Cette légumineuse se décompose en effet rapidement et produit de l’azote en grande quantité. C’est donc un excellent fertilisant organique quand les produits du taillage sont posés entre les rangs de thé ou de cocotier. Il réduit même l’incidence de certaines maladies comme le mildiou sur les feuilles de thé. Sa richesse en azote en fait une matière première verte idéale pour le compost. Egalement connu comme combustible efficace dans les foyers, il prévient aussi contre l’érosion, propriété très utile pour le jardin en étages multiples et en pente de Nandana. Il apporte aussi de l’ombre aux caféiers et cacaotiers et est apprécié comme forage animalier.

On effeuille les branches pour en faire des pieux.
On effeuille les branches pour en faire des pieux.

C’est donc une espèce essentielle dans l’agriculture tropicale et bien connue à travers le Sri Lanka comme sur ce village de Mirihawatte.

En fin de matinée, la barrière a pris sa forme simplissime initiale – une série de bouts de bois plantés autour du jardin, raccordés de trois rangées de fils de fer. Dans six mois, on devinera déjà l’esquisse d’une haie plus touffue. D’autres espèces, plantées entre les gliricidia auront aussi poussé. Dans un an, le jardin bio sera complètement

On effeuille les branches pour en faire des pieux.
On relie les pieux avec trois hauteurs de fils de fer.

délimité par cette barrière végétale d’arbres. Le veau de Nandana en appréciera le feuillage, les rangs de la petite plantation de thé attenante y trouveront leur source de fertilisant naturel, les tas de compost leur dose d’azote et les caféiers juste plantés un ombrage rafraichissant.

Cette mission a été conduite dans le cadre d’un voyage solidaire organisé par Double Sens. Les missions sont coordonnées par l’association Rainforest Rescue International, qui promeut au Sri Lanka et à travers le monde, le concept de forêt analogue, sur le site de Belipola (village de Mirihawatte).

Emmanuelle Gunaratne

On relie les pieux de gliricidia avec des fils de fer
On relie les pieux de gliricidia avec des fils de fer

 

 


Le compost en tas, dans le jardin de Pradeepa

Voici la première d’une série de fiches pratiques sur la biodiversité portant sur le jardinage bio. Elles sont réalisées à partir de mes expériences de l’été alors que j’accompagne des groupes de voyageurs français « solidaires ». Ils – ou plutôt elles, car il s’agit en très grande majorité de femmes – ont choisi de dédier une partie de leur temps de vacances à la rencontre des Sri Lankais, sur des projets environnementaux. En même temps, c’est tous les jours un apprentissage : des méthodes de compostage à la construction de barrières végétales, des règles de certification « bio » aux avantages de la polyculture à outrance, des réflexions et concepts posés sur plans aux sourires satisfaits des fins de journées, on apprend tout autant qu’on donne! Aujourd’hui, la méthode du compost en tas!

C’est dans le jardin de Pradeepa, sur les hauteurs du  village de Mirihawatte (dans les montagnes, près de Bandarawela, à environ 2 100 m d’altitude) que nous bâtissons notre tas de compost. Une étape essentielle pour le jardinage bio. Ici, les jardins sont vastes et les plantes poussent vite. La matière pour le compost ne manque pas. La méthode idéale pour ce lieu, c’est le compostage en tas, une technique idéale pour les jardins qui produisent beaucoup de déchets verts.

On prépare le bout de terrain carré réservé pour le compost, à mi-ombre, marqué par les piquets à chaque coin, 4 m2. On le bêche avec un mamothi et on réserve la matière verte. Puis on aère la terre en la piquant.

Collecte de branchages et feuilles mortes.
Collecte de branchages et feuilles mortes.

On récolte feuilles et petit bois mort en grande quantité. C’est ce qui constituera la matière carbonée – avec la paille, la sciure de bois, du papier ou carton. Parallèlement, on a à disposition les déchets azotés du jardin, la matière verte – mauvaises herbes, déjections animales (on a acheté 3 sacs de fumier de vache, chèvre, poule), les branchages verts des barrières végétales, des feuilles de bananier, des déchets de cuisine…

Sur une surface de 1m2 de cette terre aérée et bien arrosée, on dispose méthodiquement une couche épaisse de matières sèches et mortes (feuilles et petits branchages). Environ 15 cm de hauteur. On arrose bien.

Arroser très généreusement entre chaque couche.
Arroser très généreusement entre chaque couche.

Puis on continue avec des matières vertes, sur le même carré, environ la même hauteur. On saupoudre généreusement de fumier de poule et on arrose à nouveau généreusement.

On répète cette superposition en alternant déchets azotés et carbonés de façon bien équilibrée, jusqu’à ce que la pile de couches successives atteigne environ 1 m de hauteur. Le type de fumier varie (poule, chèvre, vache). En milieu de pile, on a ajouté une couche de copeaux de bois sur la couche de branchages secs. Très important : on arrose largement entre chaque couche! On termine le tas par de l’herbe sèche, de la paille et on recouvre de terre du jardin.

Piquer le tas en maints endroits pour apporter l'oxygène.
Piquer le tas en maints endroits pour apporter l’oxygène.

Il faut maintenant ajouter l’oxygène : on pique le tas jusqu’au sol une dizaine de fois. Puis on ferme le tas avec une bâche en plastique.

Pradeepa est ravie. Chaque matinée de travail est coupée par une longue pause. Aujourd’hui, elle nous a préparé un kolakanda. Pour les enfants qui gravitent autour du jardin, c’est l’occasion très enrichissante d’échanger. La langue n’est pas une barrière.

Retourner le tas tous les 7 jours.
Retourner le tas tous les 7 jours.

Au bout de 7 jours, on retournera cette pile pour reformer une structure carrée qui aura diminué en hauteur. On recommencera 7 jours après. Au 21e jour, le compost sera prêt à l’utilisation. 1m cube au départ constitue 450 kg de compost! Pour un jardin de 2 ares (200 m2), on recommande 7 tas de compost..

Cette expérience dans les jardins sri-lankais est menée lors de voyages solidaires organisés par l’agence française Double Sens. En juillet,  l’équipe (composée de cinq femmes et un jeune garçon) a contribué à la mise en place de deux jardins bio dans le village de Mirihawatte et à la plantation d’arbres le long de la rivière – au total 140 plantes et 34 arbres.

C'est chaud? C'est que ça marche...
C’est chaud? C’est que ça marche…

Ces actions sont encadrées par l’association Rainforest Rescue International qui vise à la promotion de la forêt analogue, sur le site de Belipola.

 

 

 

 

Emmanuelle Gunaratne


Protection des mangroves, Laudato Si’ du Sri Lanka

A l’heure de la publication de l’encyclique Laudato Si’ du pape François, consacré aux questions écologiques, nous revenons sur une décision majeure du gouvernement lankais, prise en mai dernier. Elle concerne la protection de l’intégralité de ses mangroves. Cette décision, saluée par la presse et par les organisations environnementales comme un pas historique, résonne aujourd’hui comme une illustration toute adaptée au discours papal. Le Sri Lanka est pionnier, au niveau mondial, dans la protection des mangroves existantes, soit de 8000 ha de végétaux.

L’initiative est née en 1997, avec une association locale, Sudeesa, qui travaille alors à la protection des écosystèmes côtiers. L’association s’appuie pour cela sur les femmes de ces régions, les incitant à protéger les mangroves en échanges de micro-crédits. Les femmes utilisent cette aide financière pour démarrer une activité lucrative et sont sensibilisées à la nécessité de prendre soin de l’écosystème côtier. Par extension, ce sont les familles et l’ensemble de la communauté qui bénéficient de ces programmes.

Programme de sensibilisation à Ambalantota, organisée par Seacology
Programme de sensibilisation à Ambalantota, organisée par Seacology

Et voilà que désormais, 18 ans plus tard, ces initiatives s’étendent à l’échelle nationale, avec la participation du gouvernement sri lankais et du groupe environnemental Seacology (basé aux Etats-Unis). Ampleur multipliée. Une initiative sur 5 ans, un projet de 3,4 millions USD pour préserver l’intégralité des mangroves de l’île.

“Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer.” (Laudato Si’)

Ces paroles font écho aux discours du président lankais, Maithreepala Sirisena : “Il va de la responsabilité de toute institution gouvernementale, des institutions privées, des organisations non-gouvernementales, de la communauté des charcheurs, de l’intelligentsia et de la société civile de s’unir pour trouver des solutions et protéger nos mangroves”.

Les mangroves sont des écosystèmes de marais maritimes incluant de nombreux arbres et végétaux principalement ligneux comme le palétuvier, et que l’on trouve le long des lagunes. Le Sri Lanka en est riche, comptabilisant plus de 21 types de mangroves, une richesse de biodiversité. Les poissons et autres animaux marins aiment les racines longues, habitat favori pour leur reproduction. Source aussi de revenus pour les pêcheurs et leurs familles. Les deux-tiers des protéines consommées par les Sri Lankais proviennent du poisson et 80% du poisson consommé a été pêché dans les lagunes de la côte. Sur le plan écologique, les mangroves sont aussi parmi les écosystèmes les plus productifs en biomasse de la planète. Elles contribuent aussi à la résilience écologique des côtes contre les cyclones, raz-de-marée, et limitent l’érosion.

Un écosystème riche en biodiversité
Un écosystème riche en biodiversité

Or, pour le Sri Lanka, 76% de ce capital aurait disparu au cours du dernier siècle. Une véritable catastrophe écologique… A qui la faute? La guerre civile est jugée responsable du tiers de cette perte. Les mangroves étaient en effet un refuge idéal pour les Tigres tamoules et beaucoup ont été détruites pendant les affrontements. Egalement les éleveurs de crevettes qui souvent sans autorisation ont détruit les mangroves pour y installer leurs fermes. Et puis les villageois qui coupent le bois comme source d’énergie pour cuisiner. Dans tous les cas, un manque d’information et d’éducation.

Aujourd’hui, on mesure les effets catastrophiques. Le poisson devient rare. Le tsunami de 2004 a fait des ravages.

“Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale”. (Laudato Si’)

Les plus larges concentrations de mangroves sont localisées sur la lagune de Puttalam (nord-est de l’île), sur les districts de Trincomalee et de Batticaloa (nord-est). Régions ravagées par le conflit, appauvries, éloignées des routes commerciales du pays. Une crise complexe socio-environnementale.

“Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature” (Laudato Si’).

Une organisation internationale, une association locale et le gouvernement lankais s'engagent ensemble pour la protection de l'intégralité des mangroves au Sri Lanka
Une organisation internationale, une association locale et le gouvernement lankais s’engagent ensemble pour la protection de l’intégralité des mangroves au Sri Lanka

Le nouveau programme s’appuie toujours en grande majorité sur les groupes de femmes. Pratiquement, cela commence par des programmes de sensibilisation dans les villages côtiers. Les participantes à ces programmes comprennent rapidement l’importance des mangroves pour l’écosystème, y compris pour la population marine. Ces programmes de sensibilisation offrent un accès facilité à des prêts de micro-crédit (d’un montant de 100 USD). Les femmes sont parallèlement formées à un métier qui leur permettra de débuter une petite affaire : restaurant, salon de coiffure, boulangerie, atelier de couture, commerce pour trouver de nouveaux débouchés pour le poisson, apiculture… En échange, elles s’engagent à protéger une zone de mangroves qui leur est attribuée. Pour inciter les familles à ne plus se “servir” du bois des mangroves, on leur donne aussi un fourneau à faible utilisation d’énergie.

Une femme s'engage dans une entreprise de boulangerie - Ambalantota, Sri Lanka (Seacology)
Une femme s’engage dans une entreprise de boulangerie – Ambalantota, Sri Lanka (Seacology)

Les lignes de l’encyclique résonnent encore :

“Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres”. (Laudato Si’)

Sur les 1500 communautés côtières qui vont bénéficier du programme, on estime à 15000 le nombre de personnes qui pourront avoir accès au micro-crédit. La moitié, des veuves de guerre. Le reste, des personnes ayant quitté tôt l’environnement scolaire.

N’est-ce pas déjà une forme de “nouveau dialogue sur la façon dont nous contruisons l’avenir de notre planète” comme le souligne et le souhaite ardemment le pape François? Le Sri Lanka s’en dit convaincu, espérant faire des émules parmi les pays voisins asiatiques, riches également en mangroves.

Emmanuelle Gunaratne

Projet de conservation des mangroves au Sri Lanka
Projet de conservation des mangroves au Sri Lanka